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"Photographie au Turkestan colonial russe

Préparation et publication d’un livre sur l’histoire de la photographie au Turkestan russe « Photographie du Turkestan colonial russe: réseaux de diffusion et instrumentalisation des images »

Dans ce livre je suis en train d’analyser le processus qui a permis la constitution de plusieurs corpus de photographies du Turkestan colonial russe du XIXe-début XXe siècle. Outre l’identification des photographes russes, occidentaux et centrasiatiques impliqués, cette étude insistera sur la diffusion de cette production à travers les différentes institutions de plusieurs pays (musées, galeries, fondations, collections privées), sur sa réception à l’époque où les clichés ont été pris et, finalement, sur les études dont ces derniers ont été l’objet, leur instrumentalisation et leur réutilisation jusqu’à nos jours.

 

Ces visées supposent une étude qui se déclinera vers trois directions :

  • La du dans lequel la photographie a pénétré en Russie et par la suite dans ses colonies asiatiques en tant que nouvelle et prometteuse technologie susceptible de favoriser l’entrée de l’empire du tsar dans la « modernité ». Malgré l’idée communément acceptée que cette technologie devait offrir des représentations « véridiques », la photographie a créé des images imprégnées de l’idéologie de l’époque et d’une perception orientalisante de l’Autre centrasiatique ; elle a en même temps constitué un outil d’études de ces périphéries et de leur soumission. Dans ce contexte nous analyserons les grands programmes photographiques initiés par l’État, les activités des studios et leur dépendance de la législation russe, ainsi que les différences de pratiques entre photographes russes, occidentaux ou centrasiatiques.

  • La constitution des collections par des institutions différentes de plusieurs pays s’est effectuée selon des modalités diverses reflétant non seulement la position socio-professionnelle des photographes ou des commanditaires, mais également leurs préoccupations par rapport à la diffusion future des images. On analysera les liens entre la constitution des collections et leur « monstrations »/présentation dans les cadres d’expositions internationales et nationales, de démonstrations scientifiques et d’installations muséographiques, ainsi que les mécanismes de fonctionnement du de ces images pétries d’exotisme et

  • L’utilisation jusqu’à nos jours de ces collections dans plusieurs contextes (scientifiques, muséologiques, artistiques, commerciaux) reflète le forgée à l’époque tsariste et son instrumentalisation à diverses fins politiques durant les époques ultérieures (e-e siècles). Comme exemple de réutilisation on montrera comment la photographie du Turkestan est réutilisée dans les réseaux sociaux actuels. La réception de ces images par nos contemporains, souvent diamétralement opposée d’un cas à l’autre, trahit la guerre de mémoire qui se déroule depuis la chute de l’Union soviétique et les processus de révision/réécriture de l’histoire lancés dans la métropole et les ex-républiques.

 

Cadres géographiques et chronologiques:

Le projet visera les photographies prises par les photographes russes, occidentaux et centrasiatiques au XIXe-début XXe siècle dans le Turkestan russe qui correspond géographiquement aux cinq républiques d’Asie centrale issues du démembrement de l’Union soviétique (Ouzbékistan, Turkménistan, Kazakhstan, Kirghizistan et Tadjikistan).

Du point de vue de la diffusion des images, l’étude embrassera la France (par ex., les collections de P. Nadar, H. Krafft), l’Allemagne (R. Rikmers), la Suisse (H. Moser), les pays de l’Europe du Nord, la Russie (S. Prokudin-Gorski, S. Dudin) et l’Ouzbékistan (Pankratiev) où d’importantes collections ont été accumulées.

Pour la problématique relative à la réutilisation des photographies du Turkestan on se concentrera sur les mécanismes de réappropriation des images du dernier demi-siècle.

 

Intérêt du projet

La photographie du Turkestan fait partie de l’image que l’Europe colonialiste s’est faite des autres parties du monde et que les chercheurs spécialisés commencent maintenant à bien connaître et théoriser. Cependant, l’histoire de la photographie du Turkestan est tellement mal connue que la question de l’applicabilité des théories post-coloniales aux études des documentations visuelles centrasiatiques reste d’actualité.

En partant de l’idée que dans cet espace non-occidental l’altérité a été conçue grâce au recours à l’expérience coloniale européenne, nous réfléchirons sur les différentes modalités du transfert de l’esprit de l’orientalisme afin de comprendre comment les « recettes occidentales » ont-elles été transformées afin d’être adaptées aux situations locales. Nous analyserons les méthodes de construction de l’image de l’Asie dans le système des représentations russes en tant qu’espace colonisé et comme symbole de l’exotisme et de l’altérité ; nous montrerons également les mécanismes de l’instrumentalisation de la photographie par le pouvoir impérial russe, soviétique et post-soviétique. La déconstruction d’une vision impérialiste avec ses déformations ethno- et euro-centristes dévoilera des mécanismes du pouvoir dissimilés et de visualisation des savoirs, notamment à propos des identités, des « races » ou des nationalités/ethnicité.

Nous chercherons à approfondir la question de l’applicabilité des théories et des perspectives post-coloniales en dehors du champ des pays occidentaux et de leurs colonies. Un des buts est de développer des méthodes susceptibles d’aider à mieux décoder le processus de l’instrumentalisation de l’image et de comprendre le mécanisme de ses réutilisations dans des contextes divers.

 

Enjeux du projet :

- Ouverture d'un champ inédit d'études comparées (formation des collections photographiques, leur diffusion et réutilisation dans une situation coloniale/post-coloniale non-occidentale) ;

- Mise en place d'un vaste corpus de données documentaires et visuelles ;

- Pratique interdisciplinaire (histoire, histoire de l’art, ethnologie, littérature, études orientales) à multiples orientations assurée grâce à la participation des spécialistes de sept pays;

- Confrontation des conceptions occidentales de la culture visuelle, de l’orientalisation et exotisation avec les discours correspondants des chercheurs russes et ouzbeks, mise au point des problèmes liés à la diversité définitoire, terminologique et méthodologique, renouvellement de l'approche post-coloniale.

 

Un des buts recherchés est de développer par la suite des méthodes susceptibles d’aider à mieux décoder le processus de l’instrumentalisation de l’image et de comprendre le mécanisme de ses réutilisations dans des contextes divers.

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